Premiers pas en Angleterre

C’est par une matinée fraiche que j’ai débarqué dans la région du Dorset au sud de l’Angleterre. Le temps était maussade et tranchait avec la chaleur qui submergeait alors la France à mon départ. Ma première impression fut celle d’une grande familiarité.

Je retrouvais des paysages qui me faisaient penser à ceux de la Normandie : vallons en pente douce, vaches broutant avec beaucoup d'entrain, champs dévalant vers la mer, falaises de craie vertigineuses, stations balnéaires avec ses longues plages de sable fin.

Cette familiarité, je la retrouvais aussi dans l’architecture. Ici, la brique est reine et me faisait penser aux maisons du nord de la France. Ce qui m’a frappé, c’est le motif architectural du bow window, qui se décline ici à l’infini sur les façades des maisons.

Mon regard fut aussi attiré par les murs des pubs et hôtels aux boiseries et aux couleurs chaudes et qui ont résisté à l'appel de la modernité.

Mais ce sentiment de familiarité fit place de plus en plus à une impression d'étrangeté. Je ne parle seulement de la conduite à gauche, à laquelle je me suis vite habitué, ni à l’attachement des anglais à la royauté, qui se traduit en autres par l’omniprésence dans les villes de statues de leurs anciens souverains.

Non je veux parler de la place centrale occupée par les chiens. Ils sont partout. Ce qui est surprenant, c’est que les chiens ont droit à un traitement de faveur qui peut, au minimum nous amuser, au pire nous offusquer. Dans les villes, il existe par exemple de grands espaces herbeux réservés aux chiens qui ont tout loisir de s’y défouler.

Même des portions de plage servent aux chiens à y bronzer et tremper leurs pattes dans l’eau de mer.

Le chien est partout, son image sert même à faire vendre des objets pour touristes.

Le plus surprenant, c’est de constater avec effarement que le chien a le droit suprême de manger des glaces, droit qui était réservé jusqu’ici aux humains. Etonnant, n’est ce pas ?

"Glace pour chiens.

Une gâterie glacée qui fait remuer la queue"

On assiste même à une inversion du rapport entre le maître et son animal de compagnie. SI le chien a colonisé l’espace public, le maître, lui, est soumis à des obligations qui lui sont sans cesse rappeler. Le maître serait-il devenu le serviteur de son chien ?

Une autre source d’étonnement, c’est l’attachement que les anglais prodiguent à leur patrimoine industriel. On y voit encore des trains à vapeur, qui servent bien sur à transporter des touristes nostalgiques du passé. On peut aussi croiser au détour d’une rue une cabine téléphonique, toujours en état de fonctionnement. Il y a bien longtemps que les cabines téléphoniques ont déserté les villes françaises.

L'ironie, voilà un trait culturel des anglais qui nous est familier à travers le cinéma ou la littérature. C’est en visitant le site du Great Globe, grosse mappemonde en pierre sur la commune de Swanage, que je me rendis compte qu'un avertissement ne se traduit par une interdiction comme on le ferait en France, mais par une recommandation moqueuse. Ainsi, pour éviter la prolifération des graffitos sur la pierre, les visiteurs sont invités à le faire sur un mur dédié à cet usage. L'amusement qui m’a saisi à ce moment m’a fait oublié d’y inscrire la trace de mon propre passage

Les personnes soucieuses d'écrire leur nom voudront bien le faire sur cette pierre seulement

J'ai l'impression de me sentir proche de ces anglais par notre histoire et par notre culture communes bien que nous ayons été longtemps les meilleurs ennemis du monde. C'est pourquoi je continuerai à les observer dans la suite de mon voyage avec un regard amusé et, je l'avoue, admiratif.