En entrant dans le tunnel d’Aurland, le plus long tunnel au monde, je me demandais avec gourmandise si j’allais pénétrer dans un nouveau monde, tel Alice franchissant le miroir. Je l’ai cru un moment car ce tunnel ne ressemblait pas à tous les tunnels que j’avais traversés durant mon périple : quelques aires d’arrêt dans le tunnel plongeaient le conducteur dans des ambiances colorées irréelles. Peut-être qu’un monde féérique m’attendait en sortie de tunnel.
Mais avant de m’engouffrer dans ce tunnel, j’ai tenu à visiter deux sites splendides. D’abord le glacier Jostedalsbreen, qui est un des plus grands glaciers de Norvège et qui connait depuis des dizaines d'années une perte de sa superficie, et puis un fjord, le Aurlandfjord que j’ai pu admirer en me hissant jusqu’au très beau belvédère de Stegastein. Cette oeuvre architecturale fait partie des innombrables réalisations dont les norvégiens ont parsemées leurs routes touristiques : ici un belvédère, là une aire de repos, plus loin des toilettes. Le belvédère de Stegastein est même devenu un emblème de la Norvège, au point qu’il attire des foules de touristes, obligés de monter par une route qui n’est pas dimensionnée pour accueillir autant de visiteurs.
En quittant Aurland, glaciers et fjords laissaient la place à un paysage beaucoup familier à un français : celui de la moyenne montagne, avec des lacs, des torrents, des prés, des stations de ski. C’est tout cela que je croiserai en traversant la région du Telemark vers le sud de la Norvège.
Cette région est aussi une région d’élevage. Je ferai la rencontre de troupeaux de vaches qui me semblaient très sympathiques. Je croiserai assez souvent des édifices en bois typiques de la région : des greniers alimentaires montés sur de petits pieds. Peut-être que les norvégiens ont conscience que leur culture paysanne est en train de disparaitre et qu’ils ont le souci d’en garder la mémoire. Je visiterai à plusieurs reprises des villages-musées, témoins de leur passé ancestral.
Autre activité toujours vivante : le ski. Je croiserai ici et là des musées, des statues d'explorateurs et de sportifs norvégiens qui ont été de grands champions dans leurs domaines : ski de descente, ski de fond et saut à ski. Le nom même de cette région, le Telemark est hérité d’une technique de ski, peu usitée aujourd’hui et qui a été créée par les norvégiens à la fin du 19ème siècle.
Par contre, ce qui est moins familier pour un français, c’est la présence d’églises en bois traditionnelles et que l’on retrouve uniquement dans le sud de la Norvège. Ces églises sont nées au Moyen-Age. Beaucoup ont disparu en raison d’incendies et il en subsiste aujourd’hui moins de 30. J’en visiterai plusieurs, dont celle d’Heddal, qui est certainement l’église la plus photographiée de Norvège. Ces églises témoignent du génie de leurs constructeurs tellement leur étagement de toitures est complexe et source d’admiration. C’est en pénétrant dans leurs intérieurs qui peuvent étonner par leur petit volume que l’on peut se rendre compte des éléments de construction communs à toutes ces églises, comme les piliers et les croix de Saint-André. J'ai été étonné par la fraicheur des fresques qui ornent leurs murs et qui ont probablement bénéficié de restaurations.
Je me suis arrêté dans quelques villes, comme Konsberg, construite de part et d'autre d'une rivière tempétueuse. Seule la vieille ville est digne d’intérêt avec sa grande place au-dessus de laquelle domine l’imposante église construite au 18ème siècle. Son intérieur est assez étonnant, puisque contrairement à la majorité des églises organisées à partir de la nef centrale et du choeur, ici l’autel a été placé dans un bras du transept. Autre sujet d’étonnement : la présence de loges réservées au roi et aux fonctionnaires de la mine. Il faut rappeler que Konsberg a tiré sa richesse des mines d’argent proches de la ville. C’est grâce à ce métal précieux que l’église a pu être financée, ce qui explique la richesse de sa décoration intérieure.
Un musée est d’ailleurs entièrement dédié aux techniques d’extraction de l’argent et aux outils pour produire des pièces de monnaie. Et comme je le remarquerai dans plusieurs musées de la région, une salle est réservée pour célébrer les champions de ski à travers l’exposition de leurs coupes et médailles.
Je finirai mon séjour en Norvège par la grande ville de Kristiansand. Ce qui peut surprendre de prime d’abord, c’est le schéma géométrique de la ville. Ce n’est pas la 2nd guerre mondiale qui est la cause de ce choix urbanistique comme je l’ai vu dans d’autres villes de Norvège. Le plan de la ville a été en fait décidé au 17ème siècle par le roi danois Christian IV , avec la place du marché au centre, ce qui était la caractéristique habituelle des villes de la Renaissance.
Kristiansand est aujourd’hui une ville moderne et dynamique. En témoigne le nouveau quartier d’habitation en face du port avec le magnifique théâtre, le Kilden Teater, témoignant de l’ambition culturelle de la ville. En face, il ne faut pas passer à côté du quartier du marché aux poissons, quartier très animé grâce aux nombreux cafés et restaurants, attirant de nombreux habitants et touristes.
Si le centre-ville se caractérise par des constructions récentes, il existe encore un vieux quartier dans lequel on a plaisir à flâner pour admirer les maisons aux façades colorées.
Et la nature n’est jamais très loin à Kristiansand. En partant du marché aux poissons, il est agréable de se balader sur les sentiers de la petite île d’Odderoya. Aujourd’hui verdoyante, elle abrite un certain nombre de galeries d’art. On y trouve aussi de nombreux témoignages de la vocation défensive de l’île. Ici et lâ, on ne peut éviter les casemates, les tourelles, les fortifications construites par le pouvoir norvégien au fil des siècles, mais également par les allemands durant la 2nd guerre mondiale.
Cette journée de visite à Kristiansand a été un enchantement pour moi, aidé par le soleil éclatant qui m’a permis de m’adonner à mon passe-temps favori, la photographie. Ce sera le dernier jour de mon voyage en Norvège. Et le lendemain, en montant à bord du ferry qui me déposera au Danemark, la nostalgie commençait déjà à m’envahir après avoir traversé la Norvège durant deux mois et demi.
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